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BERMUDA ONE-TWO, vue par Muriel
l n’y a jamais eu de mystère. Quand nous avons déménagé aux Bermudes et acheté le POGO 8.50, il était clair que le programme d’Hervé serait de participer à la Bermuda one-two. Les régates du mercredi soir sont certes très sympathiques, mais depuis la Mini-Transat, Hervé ne rêve que de grandes courses.
Pourquoi l’accompagner ? Parce qu’il avait besoin d’un équipier pour la deuxième étape et que c’était le seul moyen pour moi de passer enfin des vacances seule avec mon mari ! Et puis un besoin d’aventure à assouvir.
J’ai vraiment réalisé l’ampleur de la traversée quand j’ai commencé à en apprendre plus sur le Gulf Stream. Ce cher courant qui me permet de passer un séjour inoubliable aux Bermudes en préservant l’île des vagues de froid polaire allait me faire passer un inoubliable moment. Vagues et courants allaient me donner l’impression d’être dans une machine à laver le linge.
Pour parer à ma principale angoisse, j’ai donc pris 48 heures avant le départ les médicaments combattant le mal de mer. Ceci afin de m’habituer à l’effet secondaire de ces pilules qui est un état de somnolence (pas pratique du tout quand on est que deux à bord) et un manque de vigilance... (et c’est peut-être à cause de ça que j’ai réussi à plier le coffre de la voiture en partant en marche arrière dans le palmier du jardin le jour avant le départ !)
Vendredi matin, le réveil a sonné plus tôt que d’habitude. Un dernier petit-déjeuner avec Robin et Julie, et les voilà déposés à l’école qui vient just d’ouvrir ses portes.
L’aventure commence. Nous partons en trombe en scooter en direction de St George car l’heure du départ a été avancée. A peine arrivés, nous sautons sur un des bateaux concurrents qui largue justement ses amarres et qui accepte de nous déposer sur notre bateau mouillé dans la baie.
Hervé se met à la table à carte à l’intérieur (pour entrer ses points GPS) et je m’occupe de préparer les voiles.
Juste à côté de nous, à bord de son OPEN 50, Tim Kent me salue. Quelle idée de faire cette régate avec nous alors qu’il vient à peine de terminer le tour du monde à la voile en terminant 2ème de sa classe lors de Around Alone ! Mais je le comprends mieux maintenant que je sais qu’il fait ceci afin de remercier son équipier pour toute l’aide apportée lors de sa précédente campagne.
Robin(5) et Julie (3) sont venus nous aider à charger le bateau le jour avant.
On lève l’ancre. Grand-voile hissée, on tire des bords dans la petite baie de St George. Le départ va être donné vent arrière et on pense hisser le spi pour partir en trombe en direction de « the cut », espèce de chenal large de 30 mètres permettant un accès direct à la mer.
Voilà, le 4ème départ est pour nous. Il est 10 heures 40. On hisse le spi, c’est parti. Je suis à la barre et Hervé aux réglages. Magnifique départ que nous prenons en tête. On se fait malheureusement dépasser juste avant the cut par les deux Quest et nous passons la pointe en 3ème position. C’est tout droit jusqu’à la bouée là-bas et ensuite on tourne à gauche. Après, cap au nord-ouest° pour 650 miles, si le vent le permet. Ca va pas mal vite.
D’après les cartes satellites reçues, il y a 2 options possibles pour passer le Gulf Stream: la plus longue à l’ouest et la plus courte à l’est. On opte pour l’est, comme la majorité des autres bateaux.
Good bye Bermuda....
"Wildeyes" sous spi...mais pourquoi ce nom?
Les vagues se font sentir très vite. Le spi devient difficile à tenir et on l’affale. On décide alors de commencer les quarts. Ce sera chaque 2 heures. Je commence. La journée passe ainsi très vite. Sous génois, le bateau avance à 8 noeuds. Dès que mon tour de barre est terminé, je vais faire le contrepoids sous la couchette au vent, et j’essaie de me reposer. Il y a beaucoup de houle en plus des vagues. Il ne faut surtout pas y penser car la nausée arrive vite. Il n’y aura pas de repas du soir. Un fruit, une powerbar, juste pour les calories. Ca secoue trop.
C’est lors de l’après-midi du deuxième jour, le samedi, que j’ai réalisé la longueur de la course. Je sais très bien qu’il faut compter environ 5 jours pour parcourir 650 miles, mais ce n’est qu’à ce moment là que j’ai compris que ça allait être ma plus longue traversée. Ce n’est pas comme une semaine de croisière aux Caraïbes. Non. C’est 2 heures de barre chaque 2 heures jusqu’à l’arrivée. Et on ne peut rien choisir. Pluie, rafales, froid, chaud,vent favorable, courant contraire ou non, vagues en pleines figure. On a pas le choix. On subit les caprices de mère nature et on fait avec et du mieux qu’on peut. Et pas question de se poser 10'000 autres questions. On est en régate et il faut régler le bateau tout le temps.
Ce qui a été très sympa cet après-midi là est que nous nous sommes rapprochés de 2 autres bateaux de notre catégorie. Comme la mer est grande, les bateaux se dispersent très vite. Mais comme nous allons tous au même endroit, il y a bien des moments où nos chemins sont parallèles et proches. Alors on a fait une petite régate à 3. On a dépassé Banzai et ensuite nous sommes rapprochés d’Insufferable. Le vent soufflait bien, à environ 20 noeuds et venait juste de tourner un peu. C’est alors qu’Hervé a dit : » Allez, on hisse le spi ». Oh non ! Mais je n’avais pas le choix. Le point fort du POGO 8.50 est de faire du spi dans la brise, alors si on en fait pas là, on en fera jamais.
Quand la voile est sortie de son sac, j’ai été tout de suite rassurée. J’avais oublié que nous avions un troisième spi, le rouge, qui est plus petit que les 2 autres. Alors on s’est fait des super surfs sur les vagues et on a littéralement décollé. Nos amis sont restés cloués sur place.
Ce soir-là, nous avons mangé chaud pour la première fois. Et je peux vous le confirmer : les déshydratés c’est génial et super bon. Un petit peu d’eau chaude (quoique j’en ai trop mis la première fois !!!) , on attend 10 minutes et on se régale. Il faut reprendre des forces pour attaquer ce Gulf Stream.
Mauvaise nouvelle cependant reçue par SMS via notre téléphone satellite. Tim Kent sur son OPEN 50 a perdu sa quille et s’est fait repêché avec son équipier par un paquebot qui passait heureusement par là. Le bateau est abandonné sur place. On s’empare de la VHF pour faire passer la nouvelle mais il n’y a pas de danger pour nous, nous avons déjà dépassé l’épave.
Je confirme. Le Gulf stream est bien un courant qui ressemble à une machine à laver le linge. Mais pas le dernier modèle Miele qui ménage les tissus au lavage. Non. Le plus vieux existant. Et sur notre petit POGO, on se fait secouer dans tous les sens. C’est la nuit noire. Le vent monte encore. Il atteint jusqu’à 32 noeuds (quoique je me pose des questions sur notre anémomètre car j’ai entendu d’autres chiffres bien plus élevés). Il y a des grains plein de pluie qui nous tombent dessus. Il n’y a pas de lune et la mer est blanche. Le bateau s’enfonce dans les vagues à l’avant. Accrochée à la barre (et au bateau aussi), je fais du 14 noeuds Je lance des coups d’oeils aux alentours mais je suis principalement fixée sur les instruments du bateau. J’ai jamais vu ça. J’essaie d’aller droit mais je me fait emporter par le vent et les vagues. Il y a trois ris dans la GV, foc à l’avant et on continue à foncer dans la nuit noire. Mais qu’est-ce que je fais là ?
Je comprends enfin le sens du nom d’un bateau concurrent « wildeyes ». Mes yeux sont fous. Ils n’en reviennent pas de ce qu’ils voient.
Tout va toujours très bien avec Hervé. J’arrive à être à la hauteur, même si je peine quelquefois au winch... c’est qu’on en a pris et largués des ris....au moins une quinzaine de fois. Et même si on est tout le temps mouillé, surtout au fond des bottes, on prend bien du plaisir. Et à chaque fois qu’on se prend une vague dans la figure on crie : »Ah, comme elle est bonne », en pensant à notre petit Robin dont c’est l’expression favorite lorsqu’il se jette à l’eau.
Mais je dois dire qu’elle est vraiment très bonne. Plus de 28 degrés. Incroyable non ? On attend pourtant impatiemment que la température baisse, ce qui serait le signe de la sortie du courant. Les informations reçues par la célèbre océanographe sont manifestement erronées. Mais quant est-ce qu’on va arriver si le vent continue de baisser et pas le courant ?
pourquoi prends-t'on toujours plus de photos quand il n'y a PAS de vent?
Le 4ème jour est lent. On écoute encore la météo. Il n’y a plus rien, on avance peu. Et mon shopping alors ? Moi qui rêvait de flâner dans les boutiques POSH de Newport ? Et pour le résultat c’est pareil . On est pas fait pour le petit temps et les autres vont nous rattraper. Dommage. En plus, il fait super froid la nuit... je mets polaire sur thermolactil. Je me dis qu’il vaut mieux profiter du moment présent. Et puis, j’aime aussi barrer dans le petit temps. C’est à partir de ce moment-là que l’on a commencé à voir pleins d’animaux. A part les dauphins, il y a eu des baleines, énormes, une raie et des poissons soleils qui flottent à la surface en bougeant une nageoire qui ressemble de loin à un aileron de requin !!!
Pour les quarts de nuit, afin de rester éveillés, on écoute de la musique. Il y a tellement peu de vent que ce n’est pas très fatiguant, même s’il fait froid. Nos quarts de 2 heures sont un peu modifiés. On laisse dormir l’autre si on a la pêche et on danse sur le pont pour se réchauffer...
Dernier coucher de soleil, dernier lever de ce qui reste de croissant de lune. On avance a 0 puis 2 ou 3 noeuds. Enfin, on arrive à tenir le spi.
Mercredi matin....terre. Elle est cachée par la brume. Ca souffle toujours peu et ils prévoient même moins. On passe enfin la ligne à 9 heures 10. Notre traversée aura pris 4 jours, 23 heures et 30 minutes. Je pense à ceux qui restent sur l’eau... et qui vont devoir y rester encore pendant un long moment (certains ont fini 48 heures après nous !). On plie les voiles, toujours pas d’accrocs avec Hervé (alors qu’on est jamais d’accord pour les plier !!!). L’accueil au ponton est magnifique. Tout le monde est là pour nous féliciter. J’ai passé des moments inoubliables et suis même prête à recommencer, mais laisser moi d’abord aller faire les soldes chez GAP !!!
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