Le site d'Hervé Favre dans la mini-transat 2001

 

 

 

Le récit de la Mini-Pavois vécu par Hervé


Cette course qui nous a mené de la Rochelle à Portsmouth puis de Portsmouth à St-Quay Portrieux était pour moi un peu l’épouvantail de la saison. En effet, c’est un parcours extrêmement difficile à effectuer en solitaire en raison de la longueur de la première étape (500 milles), de la proximité des côtes bretonnes avec ses cailloux, les forts courants aux alentours de l’île de Sein et de Ouessant et finalement les rails de cargo à traverser au milieu de la Manche. Je suis donc soulagé que cette course se soit bien passée, car c’était le dernier élément manquant de ma qualification pour la Mini-Transat.


Le départ, donné devant Fort Boyard, s’est passé dans des conditions légères et de ce fait était plus facile à négocier que celui de la Select 6.50 deux semaines plus tôt. La remontée sous le pont de l’île de Ré s’est effectuée au près et c’est dans les Pertuis bretons en remontant vers les Sables d’Olonne que ma première option météo s’est avérée payante. Je suis en effet resté vers le continent et n’ai pas serré l’île de Ré. Une bascule de vent produite par l’évanouissement des thermiques m’a permis de dépasser une bonne vingtaine de concurrents !


La remontée vers l’île de Sein s’est passée dans des airs légers mais constants et c’est avec le courant que j’ai négocié la chaussée de Sein et le contournement de l’île d’Ouessant. La traversée de la Manche en direction du phare d’Eddystone au large de Plymouth s’est effectuée sur un seul bord mais avec du vent soutenu. Alors que le météorologue de Météo France nous avait indiqué qu’il y a aurait au maximum 5 à 10 nœuds de vent, on s’est retrouvés avec 25 à 30 nœuds ! Ceci m’a obligé à prendre un 3ème ris dans la grand-voile, chose que je n’avais effectuée qu’une seule fois depuis que je navigue sur le Pogo.


Arrivé au large des côtes anglaises, j’ai choisi de prendre l’option proche de la côte, option qui ne s’avèrera pas payante. Par la suite, le vent devenant encore plus léger, il me faut combattre les forts courants et ce n’est pas chose aisée. Au sud de l’île de Wight, alors que je navigue plein est selon mon compas et à une vitesse de 2.2 nœuds, je fais, en raison des courants forts, une route à l’ouest à une vitesse de 1 nœud ! Pour se sortir de là, il faut presque une calculatrice car la direction du bateau sur le fond dépend de la vitesse du bateau sur l’eau. Imaginez dès lors qu’en allant un peu plus au nord de 20°, la vitesse passe de 2 à 4 nœuds, alors ma route sur le fond passe elle de 270° à 40° N. Bref, quand vous avez dormi en moyenne 2 heures par jour pendant 4 jours, cela devient vite compliqué et il est facile de s’embrouiller ! La meilleure solution dans ces cas-là est de naviguer avec le pilote automatique et de changer de direction uniquement en pressant les boutons du pilote, sans toucher à la barre.


L’arrivée de la première étape à Portsmouth fait de moi le « local » de l’épreuve car c’est à Haslar Marina à Portsmouth que Children Action est habituellment amarré. En pratique, cette connaissance des courants autour de l’île de Wight me sera bien utile et me permettra de dépasser dans les 3 dernières heures 4 concurrents.


A l’arrivée, bonne surprise, Muriel est là pour m’attendre. Il est 3 heures du matin, je suis absolument crevé mais content de ma performance : 10ème à 2 heures du premier après 5 jours de course, c’est pour moi un bon résultat.


La journée du jeudi se passse tranquillement sous le soleil de l’Angleterre à bricoler sur le bateau, récupérer et préparer la deuxième étape. Les organisateurs ont préparé un dîner très sympa sur un des forts vieux de 200 ans protégeant l’entrée de Portsmouth contre l’invasion des français. Ce fort n’a jamais dû voir autant de « bloody french » le prendre d’assaut !


Vendredi matin, le départ est prévu à 11h00 heure locale. Muriel est de nouveau là avec les enfants cette fois et nous prenons un super petit déjeûner dans le cockpit de Children Action. Robin est particulièrement content de me voir et je pense que cela lui permet de mieux comprendre pourquoi je suis loin si longtemps de la maison. Puis c’est l’heure de « larguer les amarres », opération menée par Robin de main de maître. Ce départ pour la deuxième étape longue de seulement 200 milles me fait déjà penser que le vrai départ de la Transat va être pour moi (et sûrement aussi pour Muriel et Robin) un moment extrêmement difficile à vivre. Il faut contenir ses émotions et se concentrer sur le bateau, c’est la meilleures solution, mais je ne me réjouis pas de ce moment le 22 septembre….


Après un excellent départ, je passe la première marque de passage 4ème bateau de série et aux alentours de la quinzième place en tout ! Je suis content car je vois que petit à petit, j’arrive à élever mon niveau pour atteindre les mêmes vitesses que les autres. Je suis toujours moins rapide en vitesse pure et je dois esssayer de compenser ce handicap par de meilleures options météos ou stratégiques que les autres, et ce n’est pas toujours payant….


Au sud de St-Catherine’s point (île de Wight), le vent tombe et le courant se renverse. Il faut jeter l’ancre par 36 mètres de fond pour ne pas reculer. C’est donc ce que je fais et je me trouve amarré avec 4 ou 5 bateaux aux alentours. Et là survient le tournant de la régate et ma plus grande erreur qui va me coûter très cher : une petite brise se lève et un Pogo skippé par un jeune allemand de 20 ans décide de lever l’ancre et de naviguer. Il part et se pose un grand dilemme : est –ce que je dois aussi lever l’ancre ou bien je pense que cette brise ne va pas durer et je reste amarré ? Etant bien placé, je me dis qu’il ne faut pas laisser partir les autres et je me résouds à aussi lever mon mouillage. Je hisse donc mon ancre, mes huit mètres de chaîne et mes 45 mètres de cordage et après 10 minutes, le vent tombe à nouveau et il me faut rejeter l’ancre. Malheureusement cette fois, l’ancre ne croche pas et après plusieurs tentatives, je renonce. Je vais donc dériver durant 4 heures et reculer de plus de 6 milles !


Lorsqu’au milieu de la nuit, le courant se renverse et que je peux reprendre ma route en direction de la prochaine marque de passage, j’ai beaucoup perdu sur ceux dont l’ancre a croché. De plus, le pire est à venir car 4 milles avant la marque suivante, le courant se renverse à nouveau, m’empêchant d’atteindre la marque. Il faut donc jeter l’ancre à nouveau, qui cette fois, tient. Mais entretemps, 10 à 15 bateaux ont passé la marque qui s’avérera être un véritable passage à niveau. Je viens de prendre 6 heures (temps pour le courant de tourner à nouveau) dans les gencives !!!


Toute cette deuxième étape se passera dans des airs évanescents. Les courants dicteront leur loi. C’est une navigation extrêmement difficile car éprouvante pour les nerfs, m’empêchant de dormir car il faut continuellement s’assurer que l’on tire avantage de la moindre brise. C’est surtout très frustrant car l’on piètine sur place. A cela s’est rajouté du brouillard épais qui m’empêche de voir à plus de 10 mètres devant l’étrave et c’est très, très stressant ! Je souffle dans ma corne de brume pour signaler ma présence jusqu’à ce que le brouillard se lève, alors que jepasse le rail des cargos.


Depuis Guernsey, il reste une cinquantaine de milles jusqu’à l’arrivée et les conditions météos vont encore s’empirer. J’avance à une allure d’escargot et c’est la loterie pour toucher une risée. De plus, j’ai entendu par VHF que les premiers sont déjà arrivés et cela signifie que je vais irrémédiablemeent arriver hors temps (le comité de course a imposé un temps limite de 12 heures après l’arrivée du premier) !!! Ma motivation dégringole car arriver hors temps de 1 heure ou de 15 heures, le résultat sera le même ! Mon seul but devient donc d’arrrver à temps pour réussir à prendre mon avion lundi après-midi, ce qui s’avèrera impossilbe par la suite !


Etape difficile donc et certainement une bonne préparation pour traverser le pot au noir ( zone sans vent au niveau de l’équateur). La bonne nouvelle est que les courants dans le pot au noir sont favorables et que de toute façon, on ne pourra pas ancrer par 2000 mètres de fond….


Je réalise que la navigation en solitaire est encore plus dure que je le pensais : en particulier psychologiquement. Il est important d’avoir des moments où l’on se fait plaisir et ce Mini-Pavois en a vraiment manqué. 700 milles quasiment tout au près, quelques heures de spi et à vitesse réduite, ce n’était vraiment pas fun du tout.


La prochaine course est le Mini-Fastnet en double qui part le 10 juine prochain. Mon co-skipper sera Nick Walters, un anglais qui a acheté un Pogo neuf et qui l’attend désespérement depuis 9 mois maintenant ! Il devrait le recevoir fin juillet. hildren Action est le premier bateau arrivé ce matin à la Trinité-sur-Mer où se disputera dès vendredi, le Challenge Mini. Une vingtaine de Pogo sont attendus pour se mesurer sur des parcours côtiers ou en banane qui auront lieu dans la Baie de Quiberon.