Cette course qui nous a mené de la Rochelle à
Portsmouth puis de Portsmouth à St-Quay Portrieux était
pour moi un peu lépouvantail de la saison. En
effet, cest un parcours extrêmement difficile
à effectuer en solitaire en raison de la longueur de
la première étape (500 milles), de la proximité
des côtes bretonnes avec ses cailloux, les forts courants
aux alentours de lîle de Sein et de Ouessant et
finalement les rails de cargo à traverser au milieu
de la Manche. Je suis donc soulagé que cette course
se soit bien passée, car cétait le dernier
élément manquant de ma qualification pour la
Mini-Transat.
Le départ, donné devant Fort Boyard, sest
passé dans des conditions légères et
de ce fait était plus facile à négocier
que celui de la Select 6.50 deux semaines plus tôt.
La remontée sous le pont de lîle de Ré
sest effectuée au près et cest dans
les Pertuis bretons en remontant vers les Sables dOlonne
que ma première option météo sest
avérée payante. Je suis en effet resté
vers le continent et nai pas serré lîle
de Ré. Une bascule de vent produite par lévanouissement
des thermiques ma permis de dépasser une bonne
vingtaine de concurrents !
La remontée vers lîle de Sein sest
passée dans des airs légers mais constants et
cest avec le courant que jai négocié
la chaussée de Sein et le contournement de lîle
dOuessant. La traversée de la Manche en direction
du phare dEddystone au large de Plymouth sest
effectuée sur un seul bord mais avec du vent soutenu.
Alors que le météorologue de Météo
France nous avait indiqué quil y a aurait au
maximum 5 à 10 nuds de vent, on sest retrouvés
avec 25 à 30 nuds ! Ceci ma obligé
à prendre un 3ème ris dans la grand-voile, chose
que je navais effectuée quune seule fois
depuis que je navigue sur le Pogo.
Arrivé au large des côtes anglaises, jai
choisi de prendre loption proche de la côte, option
qui ne savèrera pas payante. Par la suite, le
vent devenant encore plus léger, il me faut combattre
les forts courants et ce nest pas chose aisée.
Au sud de lîle de Wight, alors que je navigue
plein est selon mon compas et à une vitesse de 2.2
nuds, je fais, en raison des courants forts, une route
à louest à une vitesse de 1 nud
! Pour se sortir de là, il faut presque une calculatrice
car la direction du bateau sur le fond dépend de la
vitesse du bateau sur leau. Imaginez dès lors
quen allant un peu plus au nord de 20°, la vitesse
passe de 2 à 4 nuds, alors ma route sur le fond
passe elle de 270° à 40° N. Bref, quand vous
avez dormi en moyenne 2 heures par jour pendant 4 jours, cela
devient vite compliqué et il est facile de sembrouiller
! La meilleure solution dans ces cas-là est de naviguer
avec le pilote automatique et de changer de direction uniquement
en pressant les boutons du pilote, sans toucher à la
barre.
Larrivée de la première étape à
Portsmouth fait de moi le « local » de lépreuve
car cest à Haslar Marina à Portsmouth
que Children Action est habituellment amarré. En pratique,
cette connaissance des courants autour de lîle
de Wight me sera bien utile et me permettra de dépasser
dans les 3 dernières heures 4 concurrents.
A larrivée, bonne surprise, Muriel est là
pour mattendre. Il est 3 heures du matin, je suis absolument
crevé mais content de ma performance : 10ème
à 2 heures du premier après 5 jours de course,
cest pour moi un bon résultat.
La journée du jeudi se passse tranquillement sous le
soleil de lAngleterre à bricoler sur le bateau,
récupérer et préparer la deuxième
étape. Les organisateurs ont préparé
un dîner très sympa sur un des forts vieux de
200 ans protégeant lentrée de Portsmouth
contre linvasion des français. Ce fort na
jamais dû voir autant de « bloody french »
le prendre dassaut !
Vendredi matin, le départ est prévu à
11h00 heure locale. Muriel est de nouveau là avec les
enfants cette fois et nous prenons un super petit déjeûner
dans le cockpit de Children Action. Robin est particulièrement
content de me voir et je pense que cela lui permet de mieux
comprendre pourquoi je suis loin si longtemps de la maison.
Puis cest lheure de « larguer les amarres
», opération menée par Robin de main de
maître. Ce départ pour la deuxième étape
longue de seulement 200 milles me fait déjà
penser que le vrai départ de la Transat va être
pour moi (et sûrement aussi pour Muriel et Robin) un
moment extrêmement difficile à vivre. Il faut
contenir ses émotions et se concentrer sur le bateau,
cest la meilleures solution, mais je ne me réjouis
pas de ce moment le 22 septembre
.
Après un excellent départ, je passe la première
marque de passage 4ème bateau de série et aux
alentours de la quinzième place en tout ! Je suis content
car je vois que petit à petit, jarrive à
élever mon niveau pour atteindre les mêmes vitesses
que les autres. Je suis toujours moins rapide en vitesse pure
et je dois esssayer de compenser ce handicap par de meilleures
options météos ou stratégiques que les
autres, et ce nest pas toujours payant
.
Au sud de St-Catherines point (île de Wight),
le vent tombe et le courant se renverse. Il faut jeter lancre
par 36 mètres de fond pour ne pas reculer. Cest
donc ce que je fais et je me trouve amarré avec 4 ou
5 bateaux aux alentours. Et là survient le tournant
de la régate et ma plus grande erreur qui va me coûter
très cher : une petite brise se lève et un Pogo
skippé par un jeune allemand de 20 ans décide
de lever lancre et de naviguer. Il part et se pose un
grand dilemme : est ce que je dois aussi lever lancre
ou bien je pense que cette brise ne va pas durer et je reste
amarré ? Etant bien placé, je me dis quil
ne faut pas laisser partir les autres et je me résouds
à aussi lever mon mouillage. Je hisse donc mon ancre,
mes huit mètres de chaîne et mes 45 mètres
de cordage et après 10 minutes, le vent tombe à
nouveau et il me faut rejeter lancre. Malheureusement
cette fois, lancre ne croche pas et après plusieurs
tentatives, je renonce. Je vais donc dériver durant
4 heures et reculer de plus de 6 milles !
Lorsquau milieu de la nuit, le courant se renverse et
que je peux reprendre ma route en direction de la prochaine
marque de passage, jai beaucoup perdu sur ceux dont
lancre a croché. De plus, le pire est à
venir car 4 milles avant la marque suivante, le courant se
renverse à nouveau, mempêchant datteindre
la marque. Il faut donc jeter lancre à nouveau,
qui cette fois, tient. Mais entretemps, 10 à 15 bateaux
ont passé la marque qui savérera être
un véritable passage à niveau. Je viens de prendre
6 heures (temps pour le courant de tourner à nouveau)
dans les gencives !!!
Toute cette deuxième étape se passera dans des
airs évanescents. Les courants dicteront leur loi.
Cest une navigation extrêmement difficile car
éprouvante pour les nerfs, mempêchant de
dormir car il faut continuellement sassurer que lon
tire avantage de la moindre brise. Cest surtout très
frustrant car lon piètine sur place. A cela sest
rajouté du brouillard épais qui mempêche
de voir à plus de 10 mètres devant létrave
et cest très, très stressant ! Je souffle
dans ma corne de brume pour signaler ma présence jusquà
ce que le brouillard se lève, alors que jepasse le
rail des cargos.
Depuis Guernsey, il reste une cinquantaine de milles jusquà
larrivée et les conditions météos
vont encore sempirer. Javance à une allure
descargot et cest la loterie pour toucher une
risée. De plus, jai entendu par VHF que les premiers
sont déjà arrivés et cela signifie que
je vais irrémédiablemeent arriver hors temps
(le comité de course a imposé un temps limite
de 12 heures après larrivée du premier)
!!! Ma motivation dégringole car arriver hors temps
de 1 heure ou de 15 heures, le résultat sera le même
! Mon seul but devient donc darrrver à temps
pour réussir à prendre mon avion lundi après-midi,
ce qui savèrera impossilbe par la suite !
Etape difficile donc et certainement une bonne préparation
pour traverser le pot au noir ( zone sans vent au niveau de
léquateur). La bonne nouvelle est que les courants
dans le pot au noir sont favorables et que de toute façon,
on ne pourra pas ancrer par 2000 mètres de fond
.
Je réalise que la navigation en solitaire est encore
plus dure que je le pensais : en particulier psychologiquement.
Il est important davoir des moments où lon
se fait plaisir et ce Mini-Pavois en a vraiment manqué.
700 milles quasiment tout au près, quelques heures
de spi et à vitesse réduite, ce nétait
vraiment pas fun du tout.
La prochaine course est le Mini-Fastnet en double qui part
le 10 juine prochain. Mon co-skipper sera Nick Walters, un
anglais qui a acheté un Pogo neuf et qui lattend
désespérement depuis 9 mois maintenant ! Il
devrait le recevoir fin juillet. hildren Action est le premier
bateau arrivé ce matin à la Trinité-sur-Mer
où se disputera dès vendredi, le Challenge Mini.
Une vingtaine de Pogo sont attendus pour se mesurer sur des
parcours côtiers ou en banane qui auront lieu dans la
Baie de Quiberon.