Les règles pour participer à la Mini-Transat
2001 ont été renforcées suite
aux problèmes rencontrés lors de la
dernière participation (8 bateaux avaient
été secourus dans le golfe de Gascogne).
Ainsi, les coureurs devront parcourir avec leur
bateau 1000 milles en course du calendrier Mini,
en solo ou en double ainsi que 1000 milles en solitaire
sur un parcours défini par la classe. C’est
ce deuxième parcours qu’Hervé
vient d’achever alors qu’il ne possède
son bateau que depuis 17 jours !
Il aura mis pratiquement 10 jours soit du 12 au
22 juillet, pour accomplir le parcours imposé
qui l’a mené de Port Kernevel (près
de Lorient) en direction du Sud pour contourner
l’Ile de Ré, près de la Rochelle,
et ensuite remonter vers l’Irlande pour aller
contourner le bateau phare de Conningbeg, au sud
de l’Irlande.
Les conditions météos qu’il a
rencontrées n’étaient pas de
tout repos, étant donné qu’il
a pratiquement passé 8 jours au près
(position la moins confortable) dans des vents variant
de la pétole à Force 8. Il est rentré
avec 4 kg en moins, mais une étincelle dans
les yeux ! Pas de doute, malgré la difficulté
de l’épreuve, il a aimé ça
et il va continuer !
Pour revivre un peu plus précisément
cette aventure , voici des extraits du livre de
bord d’Hervé qu’il a lui même
commenté :
Lundi 10 juillet 2000
La météo ne se calme pas.
Un coup de vent force 6-7 souffle toujours. Yann
Jameson , l’ancien propriétaire de Children
Action, arrive sur Pen Duick (il a naviqué
pendant deux ans et demi avec Tabarly sur Pen Duick
, le vrai de vrai). On fait encore un ou deux travaux
tels que le remplacement des couilles de chat, de
la drisse de génois, des élastiques
qui tiennent le pataras etc. Les gros soucis sont
en fait les pilotes car j’ai sur le bateau
deux pilotes autohelm 4000 et 6000 avec gyropilote
qui doit me permettre de barrer au mieux en analysant
l’assiette du bateau. Les deux pilotes ont
un vérin mécanique avec un petit moteur
électrique et un des deux vérins a
le moteur électrique déjà grillé
et le deuxième donne de sérieux signes
de fatigue. Ce n’est donc pas possible de partir
pour les 1000 milles dans ces conditions. Yann a
commandé deux moteurs électriques
qui ne sont pas toujours arrivés. Je décide
donc d’en commander au moins un chez USHIP
et il faudra donc attendre l’arrivée
de ce moteur électrique pour pouvoir partir.
Mardi 11 juillet 2000
Coup de théâtre. Les pêcheurs
de Lorient, afin de protester contre la hausse du
prix du gasoil, bloquent tous les ports de plaisance
de Lorient, y compris le nôtre. Ils ont mis
des chalutiers à l’entrée et
ont tiré des câbles en travers de l’entrée.
On ne sait pas pour combien de temps va durer ce
blocus et c’est un peu stressant car je me
dis que ca pourrait bien retarder mon départ
pour les 1000 milles. Je vais faire les courses
au supermarché pour les 10 jours. Je me fais
un menu que j’espère équilibré,
par exemple crêpes au surimi et miettes de
thon à la tomate, couscous et thon à
la catalane, hachis et nouilles asiatiques. Mais
on verra plus tard que ces menus seront très
difficiles à suivre.
L’intérieur du bateau est très
bien agencé. Sur l’avant, il y a une
cabine double où en fait je mets toutes les
voiles et de chaque côté une couchette
et des équipets avec des jerrycans qui sont
soit remplis d’eau (pour faire ballast) soit
il y a une trappe sur le côté et on
peut mettre toute la nourriture. J’ai un Jerrycan
de nourriture salée (boite de thon, jambon,
poulet ), un jerrycan de biscottes, crêpes,
cornflakes et un jerrycan, le plus important, avec
le chocolat, les biscuits, les compotes de fruits
et le pain d’épices.
Mercredi 12
juillet 2000
Je reçois finalement le moteur
électrique du vérin du pilote.
Il faut souder le moteur sur les fils électriques.
On me donne un coup de main car je n’avais
pas le bon matériel. Le hors-bord ne
marche toujours pas même si quelqu’un
a passé deux ou trois heures dessus,
rien n’y fait. Je vais donc partir sans
moteur.
Je vais faire signer mon livre de bord à
la capitainerie et leur signaler que je pars.
Je leur laisse une photocopie du parcours. Je
pars à 15 heures 45 de Port Kernevel.
Je décide de partir en direction de la
Rochelle d’abord, pour faire le tour de
l’Ile de Ré, avant de remonter vers
l’Irlande, l’idée étant
d’accrocher au passage en remontant une
équipe d’autres Pogos qui partent
faire le tour de qualification le vendredi après-midi
en direction de l’Irlande. Les conditions
météo sont assez bonnes mais le
vent est relativement bien établi, vent
de Ouest Nord-Ouest force 4 à 5. Je pars
donc sous grande-voile seule pour descendre
le chenal de Lorient et ensuite je décide
de dérouler le gennaker.
La première marque à virer est
le plateau de Rochebonne au large de l’Ile
de Ré et je pars donc au cap sud-sud-est.
Le vent se renforçant je décide
d’enrouler mon gennaker pour mettre le
génois médium. Malheureusement,
je ne maîtrise pas encore la manoeuvre,
je n’enroule pas assez vite et le point
d’amure du gennaker se casse . Je dois
donc le rentrer, non roulé, en catastrophe
dans le bateau. Vous pouvez donc imaginer un
geenaker de 40 m2 à l’intérieur
d’un bateau de 6,50 m. Il ne reste pas
beaucoup d’espace de libre. Je continue
donc toute la nuit sous génois médium.
Le bateau file.
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Jeudi 13 juillet 2000
A 9 heures 20 je passe la première
bouée cardinale nord-ouest du plateau de
Rochebonne, premier passage obligé du parcours
de 1000 milles. Après 24 heures j’ai
fait 155 milles et le bateau au portant est un régal
même s’il faut beaucoup barrer car les
pilotes ont du mal à tenir le bateau avec
les vagues qui arrivent de travers. Je fais une
pointe en surfant à 12.7 noeuds, et j’arrive
en fin d’après-midi en vue de l’ile
de Ré. La visibilité n’est pas
très bonne, il y a de la brume, il ne fait
pas très beau et ces premières 24
heures ont été difficiles. J’ai
dormi 3 ou 4 fois 20 ou 30 minutes. Je ne suis pas
amariné et j’ai un peu la nausée,
le mal de mer. Le fait de partir comme ça
pour 1000 milles sur ce parcours difficile sans
avoir trop de préparation et ajouter à
cela le fait de ne pas avoir vu Muriel et les enfants
depuis déjà une bonne semaine rendent
ces premières 24 heures difficiles.
Vers 19 heures, je passe sous le pont qui relie
La Rochelle à l’ile de Ré. Le
vent est de nouveau bien musclé et c’est
donc avec deux ris et le solent que je m’engage
dans les pertuis bretons. J’ai naturellement
le courant contre moi et le vent en plein dans le
nez. Je dois donc tirer des bords et là,
je trouve l’ile de Ré bien plus longue
qu’à l’aller.
Le Pogo n’est pas un bateau qui aime particulièrement
le près. Il ne faut pas trop serrer le vent
pour avoir une bonne vitesse et ajouter à
cela la dérive due à la gîte
et le courant contraire, les bords sont plutôt
carrés et je n’avance pas beaucoup par
rapport au but. Il faut en plus éviter les
filets des pêcheurs qui sont nombreux dans
la région et pas souvent éclairés.
Vendredi 14 juillet 2000
C’est entre minuit et deux heures
du matin que j’arrive finalement au sud-est
des pertuis bretons et je commence à remonter
en direction de l’île d’Yeu. Le
vent vient toujours exactement de la direction où
je vais. Je continue donc à tirer des bords
plus ou moins carrés avec un vent fort d’environ
25 noeuds et pas mal de houle. Mon mal de mer n’a
pas passé et j’ai pas beaucoup mangé,
seulement quelques barres de céréales
et une banane mais je bois de l’eau.
Afin d’économiser mes pilotes, j’essaie
une nouvelle méthode avec des sandows, ca
marche assez bien car le Pogo est très stable
au près. Néanmoins, le cap n’est
pas le meilleur que l’on puisse espérer.
Je mets donc les élastiques uniquement quand
je vais me reposer un moment. Sinon, j’essaie
de barrer un maximum afin de remonter le plus possible
au vent.
J’ai fait 138 milles sur les dernières
24 heures, et je me rends compte que je n’arriverai
jamais à temps vers Lorient pour rejoindre
le groupe de Pogos qui part faire la qualification.
C’est un peu démoralisant car cela veut
dire que je vais devoir faire les 1000 milles tout
seul. Heureusement, je suis près de l’Ile
d’Yeu et le téléphone portable
marche. Cela me permet de pouvoir lire les messages
d’encouragements de Muriel et de Jean-Marc.
La route en direction du Raz-de-Sein ne s’améliore
pas du tout car je tire toujours des bords. C’est
un peu désespérant car sur le loch
j’avance avec une bonne moyenne mais sur la
carte c’est pas terrible. Enfin, j’arrive
à prendre un peu le rythme et j’arrive
à dormir plus au moins bien. La période
la plus difficile est au milieu de la nuit entre
1 et 4 heures du matin. Là c’est vraiment
difficile de résister de dormir. Mais il
faut sortir pour veiller et s’assurer qu’il
n’y a pas de cargos sur la route ou que l’on
est pas trop proche des côtes car pour l’instant
c’est un véritable parcours côtier
que j’effectue.
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Samedi 15 juillet
2000
Dans la journée, j’approche
de Belle-Ile et le vent diminue enfin un petit
peu en tournant du secteur nord. Je passe le
cap Oulfar aux environs de 16 heures. Je viens
d’effectuer dans les dernières 24
heures 116 milles en surface mais sur le fond
à peu près la moitié. Car
comme le dit le dicton, au près c’est
deux fois la distance et trois fois l’énergie!
A l’ouest de Belle-Ile, le vent devient
portant et je hisse pour la première
fois le grand spi. Ca se passe bien. Il a même
un peu de peine à porter car il n’y
a pas assez de vent. Ca me permet juste de me
déhaler contre le courant et d’avancer
en direction du raz-de-Sein. Je fais à
peu près 1 heure de spi avant d’hisser
le génois léger, le spi étant
vraiment trop pointu. Je peux enfin pour la
première fois faire route directe sur
la chaussée de Sein, et là, le
moral remonte nettement. Je parle régulièrement
avec Muriel, ces téléphones me
font le plus grand bien même si je sais
que pour elle cela doit être difficile
de me savoir tout seul sur mon petit bateau
en train d’affronter les éléments.
Muriel est actuellement en Ardèche chez
mes parents et j’ai ainsi l’occasion
de leur parler et j’essaie plus ou moins
de les rassurer!
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Dimanche 16 juillet 2000
La nuit du samedi au dimanche est magnifique,
très étoilée avec un léger
vent du nord-est force 3. Je peux faire route directe
sur la Chaussée de Sein , avec juste un écart
de route pour éviter les îles des Glénans.
Comme c’est du près et dans des conditions
de mer pas trop forte, mes élastiques barrent
mieux que moi car ils absorbent mieux les petites
différences de vent que moi. J’en profite
donc pour me reposer un peu plus et m’alimenter
un peu mieux. De temps en temps, il arrive que mes
élastiques se décrochent et alors
là le bateau tout d’un coup fait un
180°. Cela m’est arrivé cette nuit
et lorsque je me suis réveillé en
entendant la voile faire un bruit anormal, j’ai
vu le porte-avion Foch devant moi éclairé
par la lune. Cela m’a fait une impression bizarre.
Il devait être au mouillage en train d’attendre
ses avions. J’ai remis le bateau dans le bon
sens et je suis reparti. Pour le moment, je n’ai
pas beaucoup rencontré de cargos car je n’étais
pas vraiment sur leur route directe. Et cette nuit,
les conditions sont bonnes et avec la pleine lune
ou presque il y a vraiment peu de risque qu’ils
ne me voient pas.
Pendant la journée, le vent tourne au secteur
nord et cela m’empêche de faire une route
directe vers le Raz-de-Sein. J’ai effectué
dans les dernières 24 heures 120 milles.
A 20 heures 05, je prends la météo
sur France Inter pour savoir à quelle sauce
je vais être mangé pour monter au bateau
phare Conningbeg qui se trouve à mi-chemin
entre Cork et Dublin en Irlande. C’est le troisième
point à virer du parcours imposé.
Le Dimanche soir je mange mon premier repas chaud,
des pâtes évidemment, sans parmesan
malheureusement mais avec de l’huile d’olive.
Dans la journée, le vent du secteur nord
me pousse à partir au nord ouest et je me
rends compte que je vais passer trop loin du raz-de-sein
et de Ouessant pour pouvoir reparler avec Muriel.
Je devrais donc attendre jusqu’à ce
que je passe aux îles Scilly ou que j’arrive
en Irlande pour lui redonner de mes nouvelles.
La montée se passe toujours au près,
dans des conditions assez clémentes, vent
force 2-3, les nuits sont claires avec la pleine
lune et les conditions sont très favorables
pour passer les rails des cargos de Ouessant.
Lundi 17 juillet 2000.
J’ai pour la première fois
de la pétole, de la vraie ! De 9 heures du
matin a 4 heures de l’après-midi je
fais environ 10 milles et dans les dernières
24 heures je n’ai fait que 97 milles. Comme
sur le lac, la mer est absolument d’huile.
J’ai tout essayé: mis 2 fois le spi
pour voir si ca avançait mais en fait je
n’ai fait que dériver avec le courant
qui me portait vers l’ouest. Je repars finalement
aux alentours de 17 heures avec du vent du NE, mais
ca ne dure pas longtemps. Le vent vire au nord ce
qui m’empêche de faire route directe
car c’est exactement la direction du bateau
Conningbeg! J’écoute toujours la météo
sur France Inter a 20 heures 05 et aussi maintenant
sur BBC 4 à 12:04 et c’est assez rigolo
car les prévisions pour les mêmes zones
ne sont pas identiques. Dans tous les cas, les deux
m’annoncent des vents de direction variable
de force 1 à 3. D’après moi,
ils ne veulent pas se mouiller et dire que c’est
des conditions de pétole. En vérité,
il y a un anticyclone qui se situe à l’ouest
de l’Irlande et la pression sur mon baromètre
est de 1023. Je dois donc être très
proche du centre qui se situe à 1026. Ma
proximité du centre de l’anticyclone
explique sans doute le peu de vent.
Mardi 18 juillet.
C’est un nouveau jour de pétole.
De 8 heures du matin à 23 heures du soir!!!
Le pire c’est qu’il n’est même
pas possible de dormir quand c’est comme ça
car même s’il n’y a que très
peu de vent le bateau avance à 1 noeud et
il faut donc toujours être à la barre
pour aller au moins dans la bonne direction. J’ai
fait 84 milles dans les dernières 24 heures
. La moyenne n’arrête pas de descendre.
C’est pratiquement la moitié de ce que
j’ai fait dans les premières 24 heures.
Je me rends de plus en plus compte qu’il me
sera difficile de finir mes 1000 milles à
temps, c’est a dire avant de reprendre l’avion
pour rentrer ! Si cela continue dans ces conditions,
mais bon.. il faut continuer, je n’ai plus
le choix. Je n’aurai plus l’occasion de
refaire ces milles sur ce parcours obligé
avant longtemps.
Il y a des moments assez rigolos. Par exemple, sur
BBC 4, juste avant la météo, je tombe
sur une retransmission en direct d’un match
de cricket entre les anglais et le Zimbabwe. Il
faut m’imaginer au milieu de la mer sans vent
en train d’écouter les commentateurs
anglais se désespérer de la performance
de leur équipe alors que je n’y comprends
absolument rien aux règles...
Mercredi 19 juillet
Le vent est finalement revenu et cette
fois depuis le Nord Ouest. Je peux faire route directe
sur Conningbeg. Le vent m’a amené tellement
à l’ouest de ma route que je peux mettre
le grand spi et j’avance vent de travers en
direction du bateau phare. Je l’aperçois
, finalement, aux alentours de 20 heures. Ca fait
déjà un moment que je suivais la côte
montagneuse de l’Irlande. Cette fois, je vois
le bateau phare Conningbeg devant moi. Il est rouge,
tout rouillé et il abrite plein de mouettes.
C’est un véritable plaisir de le voir.
En plus, j’ai un signal de réception
du téléphone portable ce qui me permet
de rassurer Muriel pour lui dire que tout va bien
et surtout de souhaiter un bon anniversaire à
ma Maman.
A chaque passage de marque, c’est la séance
photo obligatoire pour démontrer à
la classe Mini que l’on a bien fait le parcours
imposé. C’est assez compliqué
car ils demandent de voir sur la même photo
la marque de parcours avec le bateau et le skipper.
Essayez donc en solitaire ! Tout ca n’est pas
facile et je n’hésite pas à prendre
plus de photos que nécessaire....afin qu’il
y en ait au moins une de bonne !
Dans les dernières 24 heures, j’ai fait
95 milles soit environ 4 à 4,5 noeuds de
moyenne, pas terrible !
Le fait d’avoir passé cette dernière
marque me donne cependant beaucoup d’énergie
et me regonfle le moral. J’ai viré le
point le plus extrême du parcours et il ne
me reste plus qu’à rentrer. C’est
donc avec un grand moral que je réattaque
la descente. Muriel est soulagée de m’entendre
et de voir que tout va bien même si elle commence
à trouver le temps long. Je sais que pour
elle c’est encore plus difficile que pour moi
car elle n’a pas eu de nouvelles depuis le
dimanche.
Jeudi 20 juillet.
Le jeudi matin, à 5 heures , je
hisse le grand spi que je laisserai jusqu’à
2 heures du matin de la nuit d’après.
J’accumule donc des milles en route directe
ce qui est très bien. Je passe entre les
îles Scilly et Lands End à 22 heures.
Vendredi 21 juillet
Aux alentours de 2 heures du matin, je
commence à surfer à plus de 10 noeuds
sous grand spi. le vent a pas mal forci. Il est
de secteur Est, donc de travers et trop pointu.
Je décide donc d’affaler le spi. Il
fait noir et la lune ne s’est pas encore levée.
L’affalage s’avère être sport
mais j’arrive à le maîtriser.
Je mets donc le solent et je continue toujours en
route directe, plein sud, sur Ouessant. Pour la
première fois, il y a de la brume et c’est
pas le bon moment car je suis en plein milieu des
rails de cargo. Le matin, petite visite de deux
ou trois dauphins qui jouent avec moi pendant 2
ou 3 minutes avant de penser que je ne vais pas
assez vite pour eux.
Aux alentours de 7 heures 30, j’ai sur mon
loch passé la barre des 1000 milles, ça
en fera donc bien plus que cela une fois que j’aurai
bouclé mon parcours.
La journée du vendredi se passe bien même
si le vent forcit à nouveau. J’avance
toujours en route directe et je décide de
faire un petit écart pour passer à
l’Ouest du rail de Ouessant (autoroute à
cargos). Je couperais donc le rail perpendiculairement
pour éviter autant que possible la route
des cargos.
Le vendredi soir, vers 22 heures, je suis à
la hauteur de la Chaussée de Sein. Muriel
et les enfants sont chez Denis et Susana et je peux
leur parler à tous pour leur faire part de
ma progression. Je commence à être
vraiment fatigué. Ca fait maintenant 9 jours
que je suis en mer et je n’ai jamais dormi
plus que 4 ou 5 heures par jour. J’ai en plus
mangé du couscous aux épices orientales
qui m’a un peu détraqué. Sans
toilettes sur le bateau, il faut bien s’accrocher
aux filières !!
J’attaque la nuit du vendredi au samedi avec
du vent qui forcit. Je prends donc 1 puis 2 ris.
Samedi 22 juillet.
Aux alentours de 4 heures du matin, le
vent devient vraiment fort avec un orage et un éclair
qui tombe pas très loin du bateau. C’est
à ce moment là que je commets les
deux plus grosses erreurs de mon parcours. La première
est de ne pas avoir préparé la troisième
bosse de ris à l’avance. Lorsque je
décide de prendre le troisième ris,
c’est extrêmement difficile car les conditions
de mer sont fortes. Après avoir bataillé
pendant 1/2 heure, j’arrive finalement à
passer la bosse de ris et là, au lieu de
me contenter de rester sous trois ris et le solent,
je me dis tout d’un coup que le vent a nettement
diminué et que je n’avance plus et n’arrive
pas à passer les vagues et donc je relâche
le ris que j’ai eu tant de peine à mettre,
alors que le bateau est encore un peu en vrac et
les bouts sont dans tous les sens dans le cockpit.
Deuxième erreur, car sans que je le sache,
le guindant était déchiré à
hauteur de la deuxième latte et suite à
l’effort de la prise de ris, il est cette fois
impossible de ré-hisser la voile. Je n’ai
donc plus le choix et je dois affaler complètement
la grand-voile et décide d’hisser la
grand-voile de cape qui est un triangle de tissu
orange fluo impossible à border. Il est impossible
de faire du cap et j’essaye tant bien que mal
à passer les vagues qui sont de face avec
4 à 5 mètres de creux. A mon avis,
il souffle un bon force 8 (la météo
prise à l’arrivée à Lorient
me confirmera en ayant prévu un coup de vent
force 6-7 avec des rafales possibles à force
9. La girouette et le feu de tête de mat sont
tombés dans le coup de vent. Malgré
cela, je me sens absolument en sécurité
sur le Pogo. Le bateau est très sûr,
très marin face aux conditions de la mer.
Je suis très fatigué car je n’ai
pratiquement pas dormi de la nuit et ces conditions
de vent sont vraiment difficiles. Pour changer,
le vent vient de Lorient et je dois donc tirer des
bords!
Aux alentours de 14 heures, le vent faiblit. Je
décide donc de remplacer la voile de cape
par la deuxième grand voile que j’avais
dans le bateau. Malheureusement, il n’y a pas
de lattes pour cette grand voile et la voile ne
porte pas très bien. Je ne fais donc pas
un bon cap. Dans l’après-midi, c’est
l’opposé de cette nuit, il n’y
a plus d’air ! Je change donc le solent et
mets le génois léger. Je commence
vraiment à être un peu désespéré
car je suis à moins de 50 milles de Lorient
et je pensais pouvoir arriver là-bas avant
la nuit. Pour finir un vent léger se lève
et je peux remonter la côte en direction de
Lorient. Vers 21 heures 30, j’arrive finalement
à l’entrée du chenal de Lorient.
Cette fois, il n’y a plus de vent du tout,
la marée descendante débute, et pour
couronner le tout la brume se lève et la
visibilité ne dépasse pas 50 mètres.
En désespoir de cause, j’appelle la
vigie de Port-Louis, qui surveille l’entrée
de la baie de Lorient, et je lui demande s’il
est possible de me trouver un bateau qui puisse
me tirer vers le Port de Kernevel. Il n’y a
plus qu’un mille à faire mais je n’ai
plus le courage d’attendre 5 heures, avant
que la marée ne se renverse, pour que je
puisse finalement monter. La vigie me dit qu’il
ne peut que demander au CROSS et que si je demande
assistance je devrais payer au moins 2000 FF. C’est
un peu cher le mille et je préfère
donc attendre 5 heures de temps. J’essaye en
attendant de monter le chenal mais sans beaucoup
de succès. Finalement arrive un grand voilier
qui rentre de Brest 2000. Je crois reconnaître
la Cancalaise. Je les hèle et leur demande
s’ils peuvent me lancer un bout pour me tirer.
Ils acceptent. La manœuvre est difficile car
la bôme du mat à l’arrière
du bateau dépasse de 2 mètres. C’est
assez sport de manœuvrer tout à la voile
après 10 jours de mer. J’affale le génois
et vais mettre un bout à l’avant. Je
borde ma grand voile pour ralentir un maximum. Après
deux ou trois tentatives, ils arrivent à
attraper le bout et me tirent juqu’à
Port Kernevel où j’arrive à minuit
et demi.
Ca y est , mon loch indique que j’ai fait
1217 milles au total (près de 2250 km). Pratiquement
10 jours dont 8 jours de près. Un bon coup
de vent le dernier jour et des conditions assez
fortes les deux premiers jours. Une bonne expérience
mais je suis assez content d’en finir.
Je n’ai malheureusement pas le temps de ranger
le bateau comme je le voudrais car je dois prendre
le train le matin à 9 heures 20 afin de prendre
l’avion à Dinard. Je range donc les
voiles du mieux que je peux. Comme j’avais
tout sorti, tout était en vrac dans le bateau.
Le gennaker, le génois léger, le génois
lourd, le solent, la grand-voile et la voile de
cape, tout cela à l’intérieur
de la petite cabine, je vous laisse imaginer la
place qui me restait ! Je laisse donc le bateau
sous la surveillance du port car je me suis amarré
à l’extérieur du port et leur
demande de le mettre à l’intérieur.
Chose qu’il ne feront pas et qui créera
de belles rayures sur la coque de CHILDREN ACTION.
Côté physique, à part quelques
égratignures sur les mains, je me suis fait
quelques bleus sur les jambes mais de façon
générale je suis en assez bonne forme
physique. J’ai perdu 4 kg en 10 jours. Donc
mesdames et messieurs, si vous voulez perdre du
poids, mieux que la thalasso, je ne peux que vous
recommander de faire 10 jours en solitaire sur la
côte atlantique. C’est tout bénéfice
pour la ligne.
Côté bateau, le bilan est excellent
et je n’ai pas connu de gros pépins.
CHILDREN ACTION est sain, très stable et
facile à manœuvrer en solo.
Dernière petite mésaventure: au moment
d’arriver à Rennes pour prendre le bus
pour l’aéroport de Dinard, la gare routière
est fermée, il n’y a pas de panneau
indiquant à quelle heure vient le bus et
on me dit que s’il n’y a pas d’information
sur ce bus il ne viendra pas car aujourd’hui
c’est dimanche. Pour ne pas rater l’avion
après tous ces efforts pour arriver à
temps, je loue une voiture pour aller de Rennes
à Dinard. Mais en arrivant à l’aéroport
et en me renseignant on m’indique que le bus
était là, comme tous les jours. Voilà,
cela ma coûté 400 FF au lieu de 40
FF. Mais au moins, j’étais sûr
de ne pas rater l’avion et j’ai pu arriver
à l’heure chez Lombard Odier lundi matin
!